Bonjour Monsieur Dey, les objets connectés sont-ils en train, réellement et commercialement, de conquérir notre quotidien ?
Avant toute chose, il faut comprendre que les objets connectés induisent des algorithmes.
Et pour faire comprendre les algorithmes actuels, il faut revenir sur leur évolution. Les premiers algorithmes servaient surtout à établir des mesures dans une logique descriptive.
Celle-ci a petit à petit fait place à une logique de modélisation prédictive, qui permet par exemple d’anticiper des comportements en marketing ou bien des défaillances dans l’industrie. On établit parfois des techniques prescriptives, pour recommander et/ou exécuter des actions Les objets connectés peuvent aujourd’hui s’inscrire dans ces trois logiques algorithmiques.
Il est vrai que les algorithmes sont de plus en plus nombreux, mais si certains d’entre eux sont décriés pour leur usage intrusif, bon nombre d’autres sont extrêmement utiles, tels que ceux qui sont pensés pour faciliter notre quotidien ou ceux qui servent à anticiper des épidémies. Dominique Cardon, qui a étudié le sujet dans son livre A quoi rêvent les algorithmes, nos vies à l’heure des big data a également expliqué que plutôt que de critiquer les algorithmes, il valait mieux essayer de comprendre ce qu’ils faisaient et en quoi ils modifiaient notre société.
Qu’en est-il des drones, et de leur utilisation commerciale ?
Les algorithmes favorisent de plus en plus la multiplication des drones et de leur utilisation.
Par exemple, les drones de Delair-Tech, dont le co-fondateur Benjamin Benharrosh était également présent lors de cette conférence, sont capables de prendre des dizaines de milliers de photos par vol, et de délivrer trois types de services : des services topographiques, des services pour l’agriculture (prédiction de rendement, détection de
maladies…) et des services pour l’inspection d’infrastructures.
Leur utilisation commerciale peut être amenée à s’élargir considérablement, cependant les réglementations liées à leur utilisation en est seulement à ses débuts, ce qui pourrait constituer un frein à cette expansion, comme l’a rappelé Benjamin Benharrosh.
Quand pensez-vous voir des robots partout en France, dans quel laps de temps ?
Comme l’a expliqué Alain Bensoussan dans son ouvrage Droits des robots et comme il l’a rappelé lors de la conférence, les robots sont déjà présents dans notre société, et ils sont de plus en plus performants, à la fois en termes de mobilité (par les capteurs) et en termes de décision (par les algorithmes). Si nous n’avons pas encore de robot médecin, a-t-il précisé, il faut savoir que les algorithmes donnent en moyenne de meilleurs diagnostics de cancer que les humains.
Pour tous ces objets connectés, pensez-vous que les bandes passantes auront un débit suffisant ?
Non, il y a certainement de nouvelles approches à adopter qui dépendront des natures d’objets et des besoins d’interopérabilité entre les objets. Une grande majorité d’objets communiqueront un faible volume d’information unitaire qui ne justifie pas forcément de très haut débit. En revanche le nombre global d’échanges entre les objets et
les plates-formes va lui nécessairement exploser. Il y donc la place pour des initiatives de type SIGFOX ou LORA privilégiant le bas-débit .
Concernant le petit déjeuner du 10 Février, quelles sont les thématiques qui ont été les plus développées ?
Le thème de ce petit déjeuner était « Objets connectés, drones, robots et société de l’information : comment les algorithmes façonnent notre avenir ». La première nécessité est de comprendre les algorithmes, afin de comprendre les fantasmes qu’ils alimentent, ce qu’ils modifient dans notre quotidien, et enfin comment ils peuvent influencer nos
représentations.
Souvent considérés comme des « boîtes noires », les algorithmes sont devenus objets de fantasme : on les imagine omnipotents, dotés d’un pouvoir prédictif infaillible, mettant à mal notre libre arbitre et nos libertés individuelles… Lors du dernier Club nous avons abordé ces thématiques et tenté de répondre à certaines questions autour de ce sujet. Faut-il s’émouvoir de la prolifération et de la complexité croissante des algorithmes ? Quelles questions nouvelles pose la multiplication des objets connectés, drones et autres robots, à l’heure où la Google Car vient d’obtenir son permis de conduire ? Nous avons tenté de définir le modèle de société que nous voulons choisir à l’heure des big data et de l’intelligence artificielle.
Est-ce un évènement qui sera organisé régulièrement par “Le Club” ?
En lançant Business-analytics-info.fr, l’idée était de créer un site d’information qui aiderait les décideurs à mieux comprendre les apports de la business analytics dans les métiers de l’entreprise, et à les soutenir dans leur vision prospective. Fort d’un fond documentaire comprenant plus de 500 articles, ce site décide d’aller plus loin en créant « LE CLUB » : un lieu d’échanges et de débats sur des thèmes d’actualité dans lesquels l’analyse des données
tient toute sa place. Nous tentons d’organiser des événements semblables à raison de deux fois par an, cependant les aléas de l’actualité et les variations des centres d’intérêts des médias sont susceptibles d’influer sur ce rythme. Nous nous penchons d’ores et déjà sur la prochaine conférence de 2016 et espérons en organiser une troisième à la fin de l’année.
Votre mot de la fin ?
En conclusion de la conférence, nous avons souligné le danger que peut représenter l’autonomie croissante des algorithmes sur certains sujets. En ce sens, il est important de pouvoir repasser « en mode manuel ». Certains algorithmes prescriptifs proposent d’ailleurs à leurs utilisateurs de choisir entre différentes alternatives permettant ainsi aux utilisateurs de garder le contrôle.
Propos recueillis par Laurent Amar