La voiture autonome : un robot en attente d’une reconnaissance juridique.

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Intérieur d’une voiture Tesla

Le co-fondateur de TESLA, Elon Munsk (1) déclarait récemment que les voitures conduites par des humains allaient bientôt devenir illégales car bien plus dangereuses que les voitures robots ou à conduite déléguée.

Ces voitures ne sont cependant pas encore disponibles même si une quantité croissante de la technologie nécessaire est déjà installée dans les véhicules nouvellement introduits sur le marché.  Par exemple, les Model S de Tesla (2)sont d’ores et déjà pourvus de la technologie embarquée nécessaire (autopilote) et auront seulement besoin d’une mise à jour logicielle pour devenir autonome à 90%.

Des systèmes robotisés autonomes
D’un point de vue technique, ces voitures font partie de la famille des robots c’est-à-dire qu’elles sont composées de trois types d’éléments :
Des facilitateurs techniques tels que des capteurs qui sont des dispositifs permettant la perception de l’environnement physique du véhicule afin d’obtenir des informations sur sa situation et ses environs. Divers types de capteurs se combinent afin de fournir différents types de données.

Des actionneurs qui sont les unités de contrôle du véhicule qui permettent la performance des actions physiques.
Des systèmes informatiques embarqués qui exécutent des algorithmes logiciels d’interprétation des données fournies par des capteurs. Ils constituent la partie intelligente de la machine et “donnent un sens au monde” pour le robot. Ces systèmes informatiques sont connectés à d’autres véhicules ainsi qu’à des infrastructures externes comme le « cloud ».  Ces systèmes permettent au véhicule de planifier, de prendre des décisions et d’envoyer des commandes aux actionneurs. Le robot peut ainsi naviguer (auto-localisation, planification de mouvement, contrôle de mouvement, évitement d’obstacles), interagir avec les êtres humains et  renforcer ses propres capacités et connaissances par l’apprentissage automatique.(3)

Plusieurs degrés d’autonomie possibles
Ces systèmes cognitifs conjoints homme-machine peuvent être caractérisés par plusieurs degrés d’autonomie qui ont été présentés dans un tableau précis par la Society of Automotive Engineers (SAE).(4)
Ce classement indique les trois niveaux d’automation possibles d’un véhicule, sur un total de six niveaux, à partir desquels il est possible de parler de véhicule automatisé :
Les niveaux 3 et 4 sont des niveaux d’automation conditionnelle et haute où tous les aspects de  la conduite du véhicule sont pris en charge par un système automatisé mais dans le cadre desquels le conducteur humain doit ou peut intervenir.   Le niveau 5 est un niveau d’automation totale où la conduite du véhicule est prise en charge de façon permanente par un système automatisé de conduite dans toutes les conditions routières et environnementales qui pourraient être gérées par un conducteur humain.
Ces standards sont uniquement techniques et ne sont pas incorporés dans la législation comme cela peut être le cas pour les normes AFNOR (et ISO).

Une réglementation muette

La technologie permettant une autonomie complète existe donc, mais seuls les essais sur voies publiques sont actuellement autorisés de façon ponctuelle.
Les voitures robotisées sont perçues par les décideurs comme un moyen souhaitable de rendre les routes plus sûres et donc moins coûteux en termes de vies humaines et les coûts de réparation mais la réglementation n’autorise pas encore leur usage.
En effet de nombreuses inconnues subsistent sur le comportement des voitures robots ainsi que sur leurs interactions avec les autres usagers de la route tels que les cyclistes, les piétons et les conducteurs.  D’un point de vue purement juridique  l’adoption de telles voitures nécessite de repenser les règlementations relatives à la circulation des véhicules ainsi qu’aux responsabilités engagées en cas d’accident  et bien entendu les conditions de leur d’assurance.

Le droit international
première étape de la reconnaissance juridique (très) progressive des voitures autonomes.
La circulation routière est largement régie par la Convention de Genève (1949) et celle de Convention de Vienne (1968) qui prévoient que tous les véhicules doivent avoir un pilote capable à tout moment de maîtriser le véhicule.  Ce pilote  doit disposer de l’aptitude physique et mentale ainsi que des connaissances nécessaires pour conduire.
A aucun moment cependant ces conventions ne précisent que le conducteur doit être un être humain. Et pour cause : leurs auteurs n’auraient jamais pu imaginer que les voitures puissent un jour se conduire toutes seules.

De ce fait, dans le silence des textes, il a été suggéré par des juristes américains une interprétation littérale et audacieuse des conventions dans laquelle un système électro mécanique intelligent pourrait tout aussi bien être considéré comme un conducteur. De fait, quatre États américains ont déjà adopté des lois autorisant les essais de voitures robotisées et, depuis le début 2015 le Royaume Uni et les Pays Bas ont  autorisés des tests localisés dans certaines villes comme Bristol et Greenwich ou Amsterdam. Le Ministre des Transports Allemand a également annoncé qu’il travaillait à l’autorisation des voitures autonomes sur les autoroutes allemandes.

Ces initiatives nationales et surtout locales sont valables pour tester la technologie et observer les interactions entre le véhicule et son environnement (infrastructures et êtres vivants). Cependant la reconnaissance juridique des voitures robots, préalable nécessaire à leur commercialisation et utilisation passe nécessairement  par leur acceptation globale et, en Europe par au moins tous les états européens.

Les pays signataires de la Convention de Vienne (convention imposant une définition plus contraignante du conducteur) discutent actuellement de l’ajout de nouvelles dispositions qui permettraient spécifiquement l’utilisation de systèmes partiellement automatisés (jusqu’au au niveau 5 de la classification SEA). En revanche ces dispositions exigeront toujours que le conducteur (humain donc)  soit en mesure de remplacer ce système.

Ces changements du droit sont lents (l’initiative date de Mai 2014 et n’est pas finalisée) et progressifs car il faut encore réfléchir aux implications énormes découlant de la mise à disposition des consommateurs de véhicules entièrement autonomes et robotisés (de niveau 6).

De nécessaires innovations à venir en matière de droit de la responsabilité  
La plupart des lois relatives à l’automobile sont centrées sur le comportement du conducteur. La disparition de celui-ci au profit de la machine tout d’abord en tant que superviseur du système dans une configuration d’automatisation partielle puis de simple passager dans les configurations d’autonomie totale pose de sérieuses questions sur l’attribution de la responsabilité des conséquences des actions de ces robots.

Les autorités européennes y réfléchissent et un rapport a été émis sur la question par des juristes de diverses universités européennes.(5) Les gouvernements Britanniques et Allemands ont aussi fait travailler leurs conseillers juridiques. Etrangement aucun juriste français n’est représenté dans le groupe de travail européen et il semble, malheureusement, qu’aucun travail de recherche n’ait été effectué en France sur les possibles corrélations entre le droit français de la responsabilité et l’utilisation de voitures robotisées.

Un prochain billet abordera ces perspectives.

Odile Siary
Juriste spécialiste en IoT
Contact

[1]http://www.theverge.com/transportation/2015/3/17/8232187/elon-musk-human-drivers-are-dangerous

[2]http://www.theverge.com/2015/3/19/8257933/tesla-model-s-autopilot-release-date

[3]http://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_automatique

[4]http://standards.sae.org/j3016_201401/

[5]http://www.robolaw.eu/index.htm

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